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Australian Tour

le tour de l’Australie en 106 jours…

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Australian Tour

…et 17’000 kilomètres parcourus!

Le tour de tous les superlatifs

Avant les fêtes de fin d’année en 2011, mon ancien employeur m’avertit de ne pas revenir après les vacances. Etonné, mon collègue Antony m’invite à boire une bière. Dans la discussion, il revient sur mon parcours français à vélo. Il avait apprécié le défi que je m’étais donné. En 2010, j’étais parti pendant mes vacances d’été pour deux semaines à vélo à travers la France avec les moyens du bord.

Il me donne l’idée de reprendre le vélo. L’envie est de nouveau là !

J’arrive à Melbourne le dimanche soir 25 mars à 22h30. pour démarrer cette aventure.

  • 17’000 kilomètres parcourus, soit presque la moitié de la circonférence de la terre sur l’équateur! 42.5% 42.5%
  • En 106 jours, soit moins d’un tiers d’une année! 29% 29%
  • 7 chefs-lieux des 6 provinces australiennes ont été traversés. 85.7% 85.7%
  • 14’000 km effectués avec le vent de face sur 17’000 km 82.3% 82.3%

L’itinéraire

Le 24 mars 2012, j’ai quitté ma famille à l’aéroport de Genève. Je m’étais préparé, en trois mois, à parcourir le continent australien.

Le sens du tracé avait été donné par hasard; je n’avais pas tenus compte des conditions météorologiques. C’était le mauvais choix: le vent m’a contrarié la plupart du temps, à tel point que je pédalais la nuit en espérant avoir des rafales moins soutenues. Par contre la température m’a semblé agréable le long des routes australiennes surtout parce que c’était la période hivernale.

J’ai choisi de partir depuis Melbourne, capitale de la province de Victoria. Les chefs-lieux des sept provinces me donneront le but des étapes à accomplir. J’atteindrai ces villes clés pour alléger progressivement mon paquetage et le rendre plus compact. Je pourrai aussi me reposer chez l’habitant dans certaines de ces cités.

Lorsque je roulais dans les parties désertiques, les paysages défilaient comme un scénario monotone. Certains jours, on pouvait trouver des tronçons rectilignes de plusieurs dizaines de kilomètres.

La majeur partie de mon tracé entre Adélaïde et Cairns se résuma à une steppe avec quelques arbres isolés et des icebergs de pierre. Par contre, les rencontres des gens du Pays m’ont redonné confiance en moi. Certes, je ne parle pas un mot d’anglais, mais ce temps partagé avec les australiens me remplissait de joie.

Généralement, mon matériel a tenu le choc, mais quelques problèmes mécaniques sont survenus pendant le tour dans des moments inappropriés. Pourtant, j’ai cassé deux roues arrière à cause du revêtement des routes.

Finalement, je n’aurai pas eu la chance d’avoir ma famille pour célébrer la fin du périple avec moi.

Le récit du périple

Première étape

Melbourne à Adélaïde – Arrivée nocturne aux antipodes 

J’arrive à Melbourne le dimanche soir 25 mars à 22h30. Les choses se compliquent tout de suite. Etant donné mon niveau d’anglais plutôt bas, je ne peux pas me faire comprendre. Un téléphone pour la Suisse entre mon grand frère et un douanier, et me voilà en train de construire mon vélo en plein aéroport, après vingt-neuf heures de vol. A trois heures du matin, je pars enfin.

Sans trop réfléchir, je pars à la recherche d’un motel. J’y dépose mes affaires et pars directement au centre-ville pour chercher du matériel de cuisine, un réchaud à gaz et quelques petites choses très utiles pour la suite de mon aventure.

Dès le départ, problèmes techniques

L’aventure commence véritablement le 30 mars. Le but est de longer la côte jusqu’à Adélaïde en prenant la route A1 qui fait le tour du continent ; elle sera mon fil rouge durant tout le voyage. Mon idée est de la suivre et sortir de temps en temps de ce tracé. Ma fidèle compagne aura plusieurs noms ; « Great Ocean Road » sera le premier. Très connue des Australiens, elle est l’un des tronçons les plus utilisés. Je ne le savais pas encore, mais elle est très sinueuse et vallonnée.

Tout de suite, le premier tri de matériel viendra alléger un fardeau qui est de plus de cent kilos. Je jette dans un container: un sac à dos, une paire de baskets, des livres, de la nourriture, des épices, des services, des habits et avec regret le klaxon. Tout ceci ne me semble déjà plus utile.

Premières rencontres

Je passe les premiers moments difficiles : plus de bonbonne de gaz, donc je mange froid. Je recherche pendant deux jours un magasin de camping ; l’embouchure de mon réchaud est spéciale. Entre-temps, la valve du matelas gonflable me lâche, trop fragile. Pour toutes ces raisons, cela fait deux nuits que je ne dors pas bien. Plus tard, à Apollo Bay, j’achèterai trois bonbonnes qui me serviront jusqu’à Adélaïde. Le vendeur m’indique un autre magasin pour un matelas de plage. Tout ceci est provisoire. Je pensais avoir un bon matelas gonflable à Port Fairy, mais ce sera à Portland, septante kilomètres plus loin. Il me servira jusqu’à Darwin, 10 000 kilomètres plus tard.

Sur le chemin, je commence à rencontrer des Australiens. Tout d’abord, Andrew est venu un soir vers moi à Lavers Hill. Nous discutons et je lui donne l’adresse de mon site internet. Il me suivra tout au long de mon parcours sur Facebook. Sur la route, je rattrape une Hollandaise de soixante-deux ans. Cela fait cinq fois qu’elle roule sur les routes australiennes. Et cette fois-ci, elle va de Melbourne jusqu’au nord de Port Augusta, dans le Bush. Ensuite, je fais connaissance avec Peter qui pédale d’Adélaïde à Sydney. Nous nous sommes croisés dans un camping et avons partagé le repas du soir.

Au quatrième soir, le 5 avril, le temps se gâte. A ce moment-là, il reste à peu près 450 kilomètres jusqu’à Adelaïde, soit une traversée de cette très chère Suisse. Sous la violence du vent, ma tente casse. Heureusement, mon amie hollandaise m’a soutenu dans cette épreuve. Le lendemain, je constate les dégâts ; le mât principal s’est littéralement déchiré. Le tube en aluminium que je possède est trop petit pour le solidifier, aucun moyen de le réparer. Je n’ai pas froid, mais suis en souci pour mes affaires. Un toit quelconque me suffirait.

A ce moment de l’aventure, mon alimentation se résume à du riz, des pâtes, des boîtes de conserves, des pommes de terre, des oignons, des poivrons et des fruits. Chaque soir, j’essaie de trouver un bout de viande pour accompagner mon repas. Trouver un endroit adéquat dans le Bush et non pas au bord de la route, planter ma tente et préparer du dîner ; tout ce schmilblick me prend environ deux heures avant de dormir. Le matin, le départ me prend le même temps. Pourquoi ? Je prends le temps de déjeuner, de plier correctement ma tente et de faire un paquetage parfait pour mieux avancer.

Chez Janine, Adélaïde – Tri et achat de matériel

Les jours ont passé tellement vite que je me suis retrouvé chez Janine comme par hasard. Ma mère a trouvé cette personne qui peut m’accueillir. Pour la petite histoire, cette dame est la cousine de son ancienne collègue. Je retrouve un lit, une maison, une famille, un toit où dormir. Le lendemain, je fais réellement connaissance de la famille Macdonald : le fils Neal et ses deux filles. Nous ne le savons pas encore, mais Janine va m’aider durant tout le voyage, d’autant plus qu’elle parle le français.

Dès le lendemain, la famille et moi allons chercher une tente. Suite à quelques recherches, je prends une tente « Vaude ». Elle est constituée en acier léger, plus résistant que le carbone. Le vendeur me fait un rabais de cent dollars.

Après un téléphone avec mon frère Dimitri, l’achat de sacoches avant ne serait pas du luxe. Neal et moi regardons sur Internet pour commander des sacoches « Ortlieb », mais la livraison prend cinq jours. Avec empressement, je vais directement les acheter au centre-ville. Je prends la même marque que ma tente. Un mois de voyage plus tard, le tissu se déchirera… Heureusement que Fabien, le gérant du magasin Bicycle Shop à Yverdon, m’avait conseillé de garder le porte-bagage de devant. Mes nouvelles sacoches équilibreront mon vélo durant la suite du voyage ; une décision nécessaire pour la première partie dans le désert.

Un téléphone satellite me semble indispensable pour sa traversée. Etant donné ma petite préparation de trois mois, je n’ai pas eu le temps d’acheter ce matériel. Après consultation de la famille, l’idée se concrétise. Un ami suisse, François, me conseille de prendre un appareil Thurmaya. Janine me le commande dans un magasin d’Adélaïde. Durant ces dix jours d’attente, je continue à trier le surplus de matériel qui devenait un vrai fardeau. Alors, je renvoie en Suisse ma tente cassée, des vêtements, des câbles, des gourdes, des livres et d’autres petites choses ; un poids total d’environ six kilos. Finalement, je me retrouve avec un chargement d’au moins huitante kilos !

Les dix jours passés auprès de cette famille ont été un vrai bonheur. Janine m’a ouvert les portes de sa maison, offert le gîte, le couvert, des tours en voiture, des balades pour visiter la région. Sans oublier Neal qui m’a beaucoup aidé pour les problèmes informatiques. Nous avons passé des moments que je n’oublierai jamais.

Le désert

Le désert… un mot qui résonne dans ma tête depuis le début de mon aventure. Un endroit totalement inconnu, qui me fait peur, mais qui m’exalte aussi ; c’est un mystère qui m’impressionne. Je ne pense pas avoir trop de problèmes pour traverser le Nullabor Plane, premier désert que je rencontre. Pourtant entre Perth et Darwin, il y a 260 à 320 kilomètres entre les « roadhouses » qui sont des stations-services.

Je décide alors d’écrire un message à Sarah Marquis pour lui demander ce qu’elle en pense et me donner un peu de son expérience. Pour ceux qui ne la connaissent pas, elle a fait un tour d’Australie à pieds et bien d’autres exploits. Je la cite, car elle m’a donné des informations qui m’ont permis de relâcher un peu de pression : « Premièrement, ne pas t’inquiéter. Il y a des « roadhouses », tout le long. La plus longue étape sans eau est de 200 km. Les eucalyptus sur ce tracé sont très rares. Ne campe pas bêtement au bord de la route, cache-toi ou campe derrière les « roadhouses » après leur avoir demandé la permission. Le vent est fort, cela dépend de la saison. Je te rassure que c’est sans problème à vélo. Prévois toujours un à deux jours d’eau avec toi et garde en mémoire que la nourriture que tu trouveras dans les « roadhouses » est très chère et basique. Autre chose, je ne sais à quelle saison tu vas traverser Nullabor Plane, mais je pense maintenant que c’est l’hiver. Donc je t’annonce un vent froid jusqu’à -5 degrés, veste Gortex indispensable et ultralight doudoune. J’avais été surprise par le froid, et avais dû couvrir mon chien avec une couverture. »

Merci Sarah de toutes ces informations.

Deuxième étape

 Adélaïde à Perth

Me voilà parti dans ma deuxième étape ! Je la voyais en trois parties bien distinctes comprenant Ceduna, Norseman, Perth.

Des hauts et des bas

Ceduna

Fin-avril, je continue à lutter contre le vent en zigzaguant du nord au sud. Je commence à comprendre que le vent tombe pendant les nuits froides. Je n’ai pas encore la force de poursuivre la route dans l’obscurité. N’empêche, j’arrive déjà à augmenter le kilométrage d’une journée. En enlevant du poids, les coups de pédale deviennent faciles. En fait, cette partie ressemble un peu à notre Gros de Vaud suisse. Il y a beaucoup de collines à gravir. Pas si facile pour le moral ! Le temps change car le vent commence gentiment à augmenter la cadence. Heureusement, les journées ensoleillées se succèdent. Le paysage se transforme en une  photo de carte postale. Je mets douze jours pour rejoindre Ceduna, dernière ville du South Australia. Je rencontre un cycliste qui parcourt le monde en cinq mois pour environ 29 000 kilomètres. Il traverse vingt-et-un pays. Il essaie de battre un record du monde. Finalement, il finira sur le podium de cette magnifique course. Comparé à lui, je ne suis qu’un amateur ! Je me concentre sur ma route, ce n’est pas une course. Je ressens une complication musculaire aux mollets, rien de grave. Une préparation de deux à trois jours est indispensable à Ceduna, l’eau et la nourriture prennent une autre importance dans cette première partie désertique. A ce moment-là, la décision de prendre beaucoup de nourriture est une erreur. Après plusieurs essais, j’équilibre convenablement le poids excessif de l’eau et de nourriture. Je suis prêt à repartir pour ma deuxième partie.

Quelques mots sur la rencontre de mon ami Paddy. Il me donne du courage et me libère d’une certaine peur de la partie désertique. Il est plombier, originaire de Melbourne. En faisant le tour d’Australie, il s’arrête dès qu’une occasion se présente pour travailler. Le matin du départ, Paddy me prépare un déjeuner très copieux avec bacons, œufs, toasts et saucisses. Je continue ma route après ce séjour très riche en émotion. Je prends congé de mon ami Paddy et pars sur l’ouest.

Que se dit-on au moment où l’on part sur de plus grandes distances sans trouver de l’eau au robinet ?

Je me dis : je ne suis pas le premier ni le dernier à passer par là à vélo. Le moral est au plus haut. La concentration est optimale. Tous mes sens sont en alerte. Ne pas trop boire pour ne jamais perdre connaissance. Manger presque toutes les heures, juste pour avoir le goût de la nourriture, l’important est de ne jamais être à court !

Première partie désertique – Nullabor Plain

 La première nuit, je m’arrête non loin d’une « Roadhouse ». Une station-service au milieu de nulle part, encadrée par des cailloux et des arbustes asséchés par la chaleur de la journée. Je passe une nuit assez courte de six heures. L’envie de me dépasser physiquement me trotte déjà dans la tête. Le lendemain est épuisant, quatorze heures à lutter contre le vent fort du désert. La nuit commence à tomber. J’ai la chance d’avoir la pleine lune avec moi. Lumières sur le front et fixées au vélo, je suis paré à affronter ma première nuit blanche. Il me reste cent quarante kilomètres pour rejoindre la prochaine « Roadhouse ». Au milieu de la nuit, comme à midi, un petit repas chaud est dégusté avec enthousiasme. Mais, en s’arrêtant, la fatigue se ressent. La volonté d’avancer et d’arriver à la « roadhouse » me remet sur le vélo. Le matin

venu, un petit repos s’impose avant de continuer.

Je roule en moyenne vingt heures par jour à mon rythme, avec quelques arrêts pour manger et reprendre des forces. Je dors environ deux heures par nuit. La route est principalement plate. Je dois boire quatre litres d’eau par jour et ne mange que des pâtes et du riz. Je tiendrai ce rythme jusqu’à Norseman. Je roule six jours et six nuits pour y arriver.

Le vent est contraire même la nuit mais il s’évanouit pendant la pleine lune.

Rencontres nocturnes

Une nuit mémorable m’est donnée. Un troupeau de kangourous m’accompagne pendant environ deux kilomètres. Le mâle, qui me suit le plus longtemps, mesure environ deux mètres. Il est à seulement une longueur de bras. Je n’ose pas le toucher, peur de l’effrayer. Pour ce moment inoubliable, une petite larme tombe. Il fait froid, entre -2 et -4, mon eau commence à geler. Je bois dans mes gourdes flexibles à plusieurs reprises.

Je rencontre un cycliste qui s’appelle Grant. Il fait presque le même tour, mais dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Nous pourrions nous rencontrer plus tard dans le nord de l’Australie. Il a déjà fait Sydney à Perth en 30 jours. Quel exploit!

Une nuit, je dors trois heures. Je pars vers six heures du matin. Je quitte ma dernière « roadhouse » avant Norseman. Le point fatigue s’approche. L’étape est constituée de beaucoup de dunes et petites collines. J’y parviens avant le soleil couchant. Cette fois-ci, une bonne douche s’impose. A l’accueil du camping, la gérante s’étonne de ma performance et me fait un petit rabais sur trois nuits. Je me gave d’une pièce de viande avec pommes de terre, accompagnées d’une bonne bouteille de rouge.

Je passe tout de même sans problème cette partie du désert. Comme je pensais, la route est vallonnée. Des petites montées font mal au moral. Entre Ceduna et Norseman, je gobe 400 kilomètres de plaine.

Je pense avoir encore un vent de face jusqu’à Perth. Je finirai l’apéritif de mon voyage là-bas. Je pourrai enfin penser à manger mon plat de résistance… Il se composera d’environ 8000 kilomètres ou plus.

Accueil à l’australienne – Esperance

Un soir, alors que je n’ai rien demandé, un Australien s’approche de moi afin de m’offrir une bière. Il possède un motel sur Esperance, à 210 kilomètres au sud de Norseman. Ray, l’Australien, me donne sa carte de visite. Ne sachant pas très bien parler l’anglais, téléphoner sera une immense épreuve de débrouillardise. Là-bas, je rejoindrai la côte du sud-ouest de l’Australie. D’après les locaux, un petit coin de paradis m’attend.

Une fois reposé de ma traversée désertique, l’envie de partir sur Perth revient. Une journée me suffit de Norseman à Espérance. Le moment est venu d’appeler Ray, le gérant du motel. Il ne décroche pas son mobile. Tant pis, j’irai directement. A la réception, Ray m’accueille avec un grand sourire. Sans rien dire, il m’offre une nuit et un souper. Bien entendu, je ne pouvais pas lui dire non. Le lendemain matin, par surprise, Ray ne veut pas que je reprenne la route. Il me fait visiter la région d’Espérance en voiture et me montre presque toutes les petites baies des alentours. Deux autres amis m’accompagnent le reste de la journée. Nous passons tous les quatre une soirée bien arrosée. Le matin du départ, Ray me donne quelques dollars. Je repars heureux et avec le plein de motivation. Merci Ray !

Après quatre jours, le climat change et la température descend. La verdure est maintenant beaucoup plus apparente. Je me repose une nuit à Albany avant d’entrer dans la forêt du sud dans le West Australia. La route devient plus sinueuse que d’habitude. Elle a son charme avec ses grands arbres. Ils sont à quelques mètres de la route. Les conducteurs s’en méfient et me frôlent très souvent. Du coup, une plus grande concentration est de mise.

Record d’étape

L’envie de rejoindre Perth est très forte. Mais il reste plus de 500 kilomètres. Je me lève à cinq heures du matin. Après cent kilomètres, je sors enfin de cette forêt. Mon but est d’être en-dessous de Margaret River à midi, un vignoble très réputé en Australie. Mon objectif est atteint avec l’aide du vent. Je jette un coup d’oeil aux alentours. Ce jour-là, mes jambes ont l’impression de voler. La chaleur et le vent ne m’empêchent pas d’avancer. Je roule. Depuis le début, à l’ouest, et maintenant je remonte au nord sur Perth. Je calcule par les panneaux routiers que je roule depuis 200 kilomètres. Je mange une nouvelle fois dans un « fast food ». Après ce repas, même pas le temps de dire : où vais-je dormir ? Je repars illico. Ma lumière frontale installée sur le front, et la soirée commence. Une surprise vient une demi-heure plus tard : le crochet de la remorque casse soudainement après un passage sur une grille d’égout. Désarmé, je perds espoir d’avancer. Je bois un café dans un petit village. Il est 19 heures et je regarde sur mon GPS à quelle distance se trouve Perth. Il m’indique environ 140 kilomètres jusqu’au centre-ville. Quelle solution ai-je pour réparer ? Un seul espoir, je fais tenir le bras mobile de la remorque sur le porte-bagage avec un simple tendeur. Par miracle, mon bricolage tient ! Au sud de l’Australie, la température se rapproche du 0o Celsius pendant la nuit. Je m’y habitue au fil des heures, et peux rouler à une vitesse constante. Deux heures du matin, la ville de Perth n’est plus qu’à 50 kilomètres. Je grignote dans une station-service, le gérant m’offre deux tasses de thé. Je peux continuer ma route en remettant en ordre mon bricolage. Je prends enfin le temps de regarder l’adresse de mon hôte Alain Köhli et lui téléphone. Il est à son travail, au centre-ville. Ça ne fait rien ! J’inscris son adresse sur mon GPS : 70 kilomètres au nord de Perth. Il me reste donc 120 kilomètres. Le jeudi 24 mai, deux mois jour pour jour depuis mon départ de Suisse, j’arrive à Perth. A ce moment-là, je ne pensais pas avoir fait 580 kilomètres en une fois et en trente-deux heures. Je finis cette étape avec une grande satisfaction en plus.

Salut voisin! – Perth

Un contrôle de mon vélo est indispensable. Le gars me montre une fissure sur ma jante arrière. En croyant bien faire, je commande une roue complète. Trop légère pour mon chargement arrière, une erreur qui me coûtera cher plus tard. Pendant une visite du centre-ville, j’amène le réchaud à réviser chez Mac Pack. Il faut juste le nettoyer pour qu’il fonctionne correctement. La tente ne se referme plus, plusieurs magasins me conseillent de ne pas refaire la moustiquaire.

Sébastien, mon voisin suisse, est ici afin d’étudier l’anglais à Perth. Ensemble, Sébastien et moi, nous visitons le King’s Park et le zoo de Perth. Nous passons la soirée dans le centre avec ses amis de classe. Je fais une nouvelle rencontre d’un couple français que j’avais aperçu vers Albany.

J’essaie le yoga pendant une heure et demie. Partager cette expérience avec Alain et Sébastien me fait un énorme plaisir. Une réflexion s’offre à moi. L’impatience me ronge et atteint mon moral. J’apprends à la surpasser et à écouter mes pensées. Je dois continuer sur cette voie, car je vais aller au plus profond de mon énergie. J’ai encore beaucoup de choses à apprendre avant de savoir pourquoi je suis ici en Australie, et non en Suisse. La patience sera la clé.

Je commence à remplir un nouveau carton pour renvoyer ma remorque complète, mon ancienne selle et quelques objets encombrants. J’attends seize jours pour recevoir ma nouvelle selle en cuir. La troisième étape sera la plus longue et la plus dangereuse de mon tour avec ses cinq mille kilomètres à parcourir pour rejoindre Darwin. Je vais me trouver sur plusieurs étapes de plus de 300 kilomètres sans

« Roadhouse ». Le téléphone satellite sera utile pour des raisons de sécurité, mais je peux compter sur la gentillesse des Australiens. Sur le vélo, je change les deux pneus, la roue arrière, la selle et la chaîne. J’envoie en Suisse mon deuxième carton avec quatorze kilos de matériel. Du coup, un nouveau paquetage de quarante kilos est rangé minutieusement. Je contacte mon ami Paddy qui est à Geraldton à quatre cents kilomètres au nord.

Je remercie Alain de son aide financière et son hébergement. La boule au ventre se fait sentir au moment du grand départ. Je salue mes hôtes une dernière fois et me concentre sur la route.

Troisième étape

Perth à Darwin

Je recommence tranquillement à pédaler et me refais au quotidien.

Trois jours plus tard, je traverse Geraldton. Surprise ! Je revois mon ami Paddy plus de deux mille kilomètres après notre première rencontre. Nous mangeons et buvons une très bonne bouteille de vin pour trinquer à ce rendez-vous improbable. Après une nuit de sommeil, je repars en direction de Carnavon.

Roue arrière défectueuse – Premier problème mécanique majeur

Peu après, les premiers problèmes de roue arrière me coupent dans mon élan. Deux rayons se cassent. La panique me submerge. Depuis mon départ, c’est la première fois que je suis arrêté. Heureusement, un jeune Australien me prend en auto-stop jusqu’à Carnarvon. Nous y arrivons après trois cent cinquante kilomètres. Avec grande générosité, il me paie la nuit au camping. Nous nous quittons dans la soirée. Ma petite caméra est toujours dans sa voiture. Il revient me la ramener un peu plus tard. Je le remercie d’avoir fait demi-tour et peux enfin dormir sereinement. Le lendemain, le seul magasin de vélos dans ce village est ouvert. Le vendeur commande une autre roue plus solide et me dit qu’elle arrivera dans trois jours. Du coup, je me ravitaille et attends que le week-end passe. Lundi, comme prévu, la roue est là et prête à rouler. Je reprends directement la route. A ce moment-là, il me reste 4200 kilomètres jusqu’à Darwin, direction nord. On m’a aidé durant quelques kilomètres, du coup une boucle d’environ 370 kilomètres s’impose. Recoller au kilométrage est très important à mes yeux. Aller au nord jusqu’à Exmouth et reprendre mon tracé original plus au sud fera l’affaire. Deux jours me suffisent pour faire la boucle.

Le vent

Je roule nuit et jour afin d’éviter ce vent oppressant. Il commence à changer et souffle toujours contre moi d’est en ouest. J’attends avec impatience que le vent tourne et m’aide un peu. L’espoir de rouler sans lutter contre mon ennemi juré tombe peu à peu. Je roule à un rythme intense car l’envie de joindre les « roadhouses » est très forte. Plus de 150 kilomètres entre ces petites étapes me motivent. Imaginez ce que vous ressentez quand vous n’avez pas vu une maison depuis deux cents kilomètres !

Karratha, le premier village perdu aussi loin de la population est traversé sans discussion. Les aborigènes sont dans les rues à mendier des bières et de la nourriture. Un petit ravitaillement s’impose, avant d’arriver à Portland sans problème. Cette ville portuaire, qui a le deuxième port mondial, est à la moitié de mon étape. Les mineurs l’envahissent. Peu de travailleurs aborigènes, ils restent en retrait. Le soir même, je perce mon matelas et le répare de suite, un événement inattendu qui ne me dit rien de bon. Ce signe me fait penser que le vent va augmenter durant la prochaine journée. Ça ne manque pas, j’engrange seulement 70 kilomètres ce jour-là. Les grandes distances sans eau s’annoncent. La première est de 320 kilomètres pour rejoindre Broome. Je pars le matin de la « Roadhouse Sandfire » et m’arrête au milieu de l’étape afin de dormir avec d’autres voyageurs. Pour la première fois, je demande de l’eau. Avec générosité, un couple d’Australiens m’invite à manger avec eux.

Petit séjour à Broome

Je m’arrête à Broome pour trois jours avant de prendre la Savannah Way qui me conduira jusqu’à Cairns. Après un petit contrôle de mon vélo, je fais la rencontre de plusieurs Français. Nous passons deux bonnes soirées ensemble. Contraint de reprendre la route assez rapidement après ce petit séjour, le cœur a envie de rester pour en profiter. Je fais un choix sans regrets. Partir le lendemain matin et de savoir que mon paquetage est complet me soulage d’un gros stress . De grosses étapes m’attendent. Mais je ne suis pas tout seul sur cette route et ceci me soulage.

Je pars pour Darwin, encore 1900 kilomètres. Je pédale contre le vent, nuit et jour, et à une vitesse constante. Comme d’habitude, finalement. Avec ce paysage plus vallonné qu’avant, l’avance est moins rapide. En traversant successivement : Fitzroy Crossing, Halls Creek et Kununurra, je passe dans une autre province d’Australie « Northern Territory ». Pendant ces quelques kilomètres, le paysage change avec des pâturages et de plus grands buissons. Même des arbres. C’est la seule partie intéressante entre Kununurra et Katherine. Le paysage redevient désertique. J’arrive le matin à mon objectif, après 190 kilomètres et la dernière « Roadhouse ». Je pense que la toute dernière étape de 385 kilomètres pour Darwin ne sera que du bonheur et avec le vent dans le dos. Je passe une bonne nuit dans un camping proche de la ville de Katherine. Le lendemain, je pars tôt le matin et roule avec aisance car mon sens de l’orientation et mon coup de pif sont justes. Le vent me poussera.

Fin d’étape – Darwin, la ville du Nord

Chaque fois que je m’arrête, les moustiques m’attaquent. La chaleur de la nuit me dit que je suis ici dans la partie tropicale. J’arrive à Darwin à minuit après seulement quinze heures de pédalage. Je cherche un coin pour dormir. Au petit matin, je trouve un camping pas très loin du centre-ville. Il faut payer le prix, je regarde une nouvelle fois mon GPS. L’autre endroit meilleur marché est trop loin. Tant pis, je prends trois nuits à un prix de 125 dollars pour mon séjour.

Sans avoir dormi, je me précipite en ville pour un contrôle du vélo. Nous constatons que des fissures apparaissent sur la jante arrière. Le stress continue. Quelle solution ai-je à ce problème ? Le gars me propose de recoller la jante et me donne des adresses d’autres collègues ; trop cher pour la réparation de la roue. Je prends la deuxième solution et pars. En arrivant dans un second magasin, le mécanicien trouve la même roue qu’à Carnarvon et moins chère ! Le soir, content d’avoir résolu ce problème, je me prépare un festin au camping. Un groupe de Français et de Danois me rejoignent, nous ferons la fête une bonne partie de la nuit.

Durant cette étape, je dormais un peu le matin, à midi, le soir quand une aire de repos ou une « Roadhouse » était proche. Le corps s’habitue à ce rythme poussé jusqu’à sa limite. Je termine cette étape avec beaucoup d’émotions. A ce moment-là, je pense être passé par le plus dur. J’aurai roulé énormément la nuit avec un vent plus moins que le jour. Mais ne pensez pas que je me la suis coulé douce la journée !! Il me reste 3000 kilomètres pour rejoindre la fameuse côte Est. Là-bas, finis les problèmes d’eau et de nourriture, le bonheur absolu.

Le lendemain matin, j’achète un autre matelas gonflable et des poches d’eau de 4 litres. L’après-midi, je prends le temps de me baigner avec mes amis et découvre « Mindil Beach », une des plages de Darwin. Il se trouve que chaque jeudi soir un marché et des concerts sont organisés. Je passe une très bonne soirée. Le dernier jour avant ma quatrième étape, je m’allège une nouvelle fois et recommence à trier mon paquetage. Je renvoie mes panneaux solaires et une lumière qui ont trop rarement été utiles. Avant de partir, je reviens chez mon mécanicien et demande à retendre mes rayons. Il ne fera rien. Je lui dis que je ne pourrai même pas aller jusqu’à Katherine. Je quitte ce magasin énervé et me prépare pour le lendemain. Après salutations à mes amis, je repars de Darwin avec l’espoir d’arriver sur Katherine sans trop de problèmes.

Quatrième étape

Darwin à Cairns – Découragement

Je continue mon chemin pour rejoindre Cairns. Je passe d’abord dans le parc national du Kakadou. Un parc très connu des Australiens. Je retrouve le vent contraire pendant toute la matinée. Manque de concentration, malheureusement, je ne vois pas un nid de poule et un caillou à l’entrée de la « Roadhouse ». Je suis à 90 kilomètres de Darwin. J’essaie de réparer car mes rayons se sont déréglés sous le choc. Je n’ai pas trop d’expérience, j’abandonne après trois heures de réglages. Enervé, j’appelle Dimitri pour lui annoncer que je rebrousse chemin. Un peu calmé, je remonte en selle. Peu après, ce qui devait arriver, arriva. Un rayon se casse sous la mauvaise tension et le changement de vitesse provoque la cassure de la cassette. Deux solutions se présentent : marcher ou faire du stop.

Deuxième problème mécanique majeur

Une irritation entre les jambes apparaît tout de suite. Mes habits ne sont pas étudiés pour la marche. D’autre part, mes pas sont accompagnés d’un grand nombre de moustiques. Le produit anti-moustiques ne marche pas ici. J’ai pensé à abandonner mon vélo et aller chercher de l’aide au prochain village mais cette idée m’a échappé. J’ai poussé le vélo jusqu’au prochain magasin. J’ai attendu devant l’entrée car le niveau d’énervement était au plus haut. Suite à mes problèmes, je continue ma route vers Katherine. Après réflexion, je prends la même route pour l’aller. Je fais donc un aller-retour sans passer dans le parc Kakadou. Je salue mes compagnons de camping et nous passons un dernier déjeuner ensemble. Ils partiront le même jour non pas pour d’aventures australiennes mais bien pour rentrer chez eux en France.

1’200 dollars pour trois semaines d’attente – Katherine

Deux jours m’auront suffi pour rejoindre Katherine. J’ai, malheureusement, forcé le pas pendant environ 100 kilomètres. La roue mal réglée encore une fois va m’arrêter dans cette ville durant trois semaines. Le petit  magasin essaie de me dire que ma roue n’est pas seulement voilée latéralement mais qu’elle est  aussi fissurée. Vu cet énorme souci, je décide d’appeler la famille. Dimitri se renseigne depuis la Suisse chez Fabien afin de retrouver une roue adéquate. Plusieurs téléphones et mails se passeront entre Janine et la famille. Avant de confirmer à Janine par mail, je redemande personnellement à Fabien que cette nouvelle roue soit de la même dimension, le même nombre de rayons et d’une bonne qualité. Bref, j’avais confiance et je donne l’ordre de la commander à Janine. Elle ira ensuite au même magasin de vélos où j’avais acheté mes sacoches de devant. Ces démarches durent trois jours. Janine me dit que l’attente de l’arrivée de cette roue est de deux semaines. Dimitri a raison, je devais donner l’ordre un ou deux jours plus tard. De retour au camping, j’explique la situation avec mon anglais toujours approximatif, la réceptionniste m’offre deux nuits sur les deux semaines.

Que représentent pour vous deux semaines ?

Si vous avez une voiture, vous pourriez visiter les parcs nationaux malgré les distances qui les séparent. Mais moi, je suis à pieds maintenant et sans sac à dos. Aucune possibilité de sortir à part le bus. Je n’ai pas envie de dépenser de l’argent en plus pour une excursion quelconque. Je passe quelques jours seul et je commence par m’entraîner à la course à pieds. Des petits tours quotidiens me font passer le temps.

La compagnie

Un soir, je fais la rencontre d’une Française qui me donne rendez-vous à une source d’eau chaude dans les alentours de Katherine. Sans hésiter, je m’y rends. Je ne la vois pas mais deux Français sont là, Mathieu et Pierre-Henry. Depuis là, je serai deux semaines avec eux. Nous sommes une équipe : Justine, Yan, Mathieu, Pierre-Henry, Fabien, Aurélie et moi. Tous travaillent soit dans les campings, bars ou dans les propriétés privées pour gagner de l’argent et partir de ce trou à rats. Je n’arrive pas encore à croire ce que j’ai vécu car ils m’ont aidé à attendre et avons passé du bon temps ensemble. Nous passons la plupart du temps au bord de cette source chaude ou dans le Bush au bord d’un feu.

Le moment tant attendu est arrivé. Je vais à vélo chercher ma roue. Puis, une énorme surprise m’attend : en essayant de changer la cassette sur l’ancienne roue, nous nous sommes aperçus, Pierre-Henry et moi, que la nouvelle roue était trop grande. Le mécanicien d’Adélaïde m’avait envoyé une fausse roue. Je ne vous dis pas les nombreux téléphones entre la Suisse et Janine. Cette erreur m’aura coûté environ 800 dollars. J’ai remercié Janine d’avoir participé financièrement à cet achat. J’ai deux solutions: rester deux semaines supplémentaires ou partir avec la roue ovale. J’ai attendu une semaine pour savoir si je pouvais l’échanger ou me faire rembourser. Le distributeur n’est pas entré en matière, il n’a pas eu pitié de moi, sa réponse est négative à tous les sens du terme. Mon choix est de partir malgré cette roue défectueuse. Avec mes amis, nous n’aimons pas les adieux bien que je me force de leur dire que ce n’était qu’un au revoir. J’ai passé une nuit blanche et le matin du départ après seize jours d’attente, je repars avec regret et anxiété. Je me demande si je verrai ma côte Est tant espérée.

Les adieux

Tout le monde est là pour mon départ. Un moment intense pour moi car je vais me retrouver seul une nouvelle fois. Trois semaines de rêve dans cette sorte de communauté m’ont encouragé à continuer sur les routes australiennes. Il me reste donc quelques milliers de kilomètres désertiques à parcourir. Prochain objectif : relier Mount Isa qui sera la première ville dans le Queensland.

Les jours passent, le mât de ma tente se casse en trois parties. Pas de panique, des petits tubes en aluminium feront l’affaire. C’est un peu plus long au montage mais je suis protégé des moustiques. J’avertis Janine et Dimitri de ma mésaventure. Environ 700 kilomètres restent à parcourir jusqu’à  Mount-Isa. Je vois les premiers panneaux “Attention aux dépassements, vent fort”. Ce tracé suit de nombreuses plaines. Le vent est  trop fort pour rouler de jour. Je dors sur les airs de repos la journée puis, dès que le vent disparaît, je reprends la route. Dernière étape de 260 kilomètres avant de rentrer dans le Queensland, je détruis ma roue à cause des travaux qui s’étendent sur environ une vingtaine de kilomètres.

Arrêt forcé – Mount Isa

Je me ferai accompagné par une voiture. Deux cents kilomètres de folie m’attendent avec un conducteur fou. D’après moi, il avait des problèmes psychiques ou autres car nous roulons à 180 kilomètres/heure. J’ai eu très peur pour ma vie. Cette étape a duré quelques heures. Bref, je le remercie de me déposer directement au seul magasin de la ville de Mount Isa. Le mécanicien peut réparer non pas entièrement mais il fera en sorte qu’elle tourne convenablement. Il me montre à quel point elle tourne ovale… Je peux mettre mon pouce tellement elle a travaillé. Je sors mécontent de cette opération qui m’aura coûté la modique somme de cinquante dollars.

Dès les premières heures, je constate que mon mal de dos diminue. J’aurai la malchance de rouler plus tard sur une seule voie, j’hésite fortement à prendre cette option. Les camions seront sans pitié sur ces tronçons. Finalement, je décide d’essayer de la prendre quand même afin d’avoir de nouvelles émotions, d’autres impressions.

La rencontre surprise

Près de 400 kilomètres au nord, après avoir mangé de la poussière grâce aux camions, je décide de m’arrêter au prochain village. A Normanthon, immense surprise! Une femme m’appelle. Bizarre, elle me veut quoi, celle-ci? C’est, tenez-vous bien… Sarah Marquis!!! Elle venait de faire un aller-retour pour Cairns en bus. Même problème que moi, la roue de sa charrette devait être réparée. Je ne sais pas par quoi commencer, il y a tellement de chose à dire sur elle. Je dirais qu’elle m’a fait grande impression par sa personnalité. Les instants avec elle m’ont redonné le courage de poursuivre mon voyage. Allez savoir pourquoi, en la quittant… le temps s’est arrêté pour moi. J’effectue 145 kilomètres sans boire ni manger de la journée . Comment vous expliquer ça?

J’ai devant moi 750 kilomètres à faire avant Cairns. Après quelques milliers de kilomètres dans le Bush australien, cela va-t-il changer ma perception de la vie ? En tout cas, je me réjouis de changer de roue, mon dos n’en sera que plus heureux. Et voir un peu plus de monde !

Pour terminer ma quatrième étape, je dois passer par une partie un peu plus montagneuse à travers Ravenshoe, Altherton et Mareeba. C’est avec la pluie que j’arrive à Cairns.

Cinquième étape

Cairns à Brisbane

Cairns

M’y voilà !

Que dire de cette ville ? Une lagune très sympa au bord de l’océan au milieu du centre-ville et son jardin botanique. 

Ici, je change ma quatrième roue arrière. C’est une roue spéciale qui est composée d’un moyeux Shimano Xt Deore, de rayons Dt Swiss champions et d’une jante Mavic! Vous avez certainement tout compris à ce charabia technique !!! Ceci grâce à une aide extérieure, mon autre frère Martin. Il s’est débrouillé depuis la Suisse pour commander toutes les pièces par téléphone et par mail en suivant mes instructions. J’ai eu l’idée pendant mon séjour à Mount Isa. Pour m’assurer d’une erreur éventuelle, j’avais fait moi-même mon enquête. Six jours plus tard, je me retrouve avec une nouvelle roue qui m’accompagnera, cette fois-ci, jusqu’à la ligne d’arrivée à Melbourne.

Pendant cet arrêt obligé à Cairns, pour ne pas acheter une nouvelle tente, je répare comme je peux la mienne dont un mât a malheureusement cassé après mon départ de Katherine. Quelques patchs autocollants sont utiles pour reboucher de nombreux trous dans la toile de sol. Pour plus de solidité, je couds le pourtour des patchs. Les fourmis me laisseront tranquille pour un moment.

Je vais essayer de rejoindre le couple français que j’ai rencontré à Katherine. Ils sont aussi à vélo mais eux roulent depuis six ans. Ils s’appellent Bruno et Isabelle. J’apprends qu’ils n’ont pas pris la même route que moi et se trouvent, en ce moment, plus au Sud.

Nouvelle rencontre

Une rencontre avec un autre couple est programmée pour la troisième fois de mon voyage : une première fois à un air de repos, nous nous sommes rencontrés sur la route de Fritzroy Crossing, par hasard. Ils étaient époustouflés par mon parcours. Une deuxième fois à Mount Isa, en suivant ma route, ils m’ont écrit et j’ai pu m’arrêter dans le camping où ils travaillaient. En les saluant, en partant, j’espérais les revoir sur la côte est. Anne-Sophie et Olaf me contactent pour passer une soirée dans les rues du centre de Cairns. Ce couple espère rouler à travers la Nouvelle Zélande à vélo. Cette idée naquît durant leur tour d’Australie. Ils me posent plein de questions sur mon vélo, le moral et le matériel. Je les fais profiter de mon expérience et nous resterons en contact jusqu’à la fin de mon voyage. Nous passons un très bon moment ensemble.

Un énième préparatif concernant le matériel est nécessaire. Je ne risque plus rien au niveau de la gestion de l’hydratation et de la nutrition. Les distances entre les villes ne sont pas conséquentes. Elles sont très proches l’une de l’autre bien que la plus grande étape sera de 100 kilomètres.

Il est l’heure de quitter la ville de Cairns pour atteindre Brisbane environ 1’800 kilomètres au sud.

J’ai dû penser qu’en traversant la zone montagneuse le vent changerait de sens en ma faveur. Le vent sera toujours, comme d’habitude, de face. Des jours, il se décide de changer de cap. Je me retrouve crispé sur mon guidon pour tenir mon vélo penché sur le côté.

Secteur de travaux 

Sur mon passage, de nombreux secteurs en travaux sont à prévoir pour me faire ralentir le rythme de croisière. Les ouvriers routiers arrêteront toute la circulation afin que je puisse bénéficier de toute la largeur de la voie non réparée. Dans leur radio, j’entends à chaque passage « Bush Bike, Bush Bike». Tous ces encouragements spontanés de leur part m’ont touché.

Depuis Townsville, un problème est survenu à l’arrière du vélo. Les dents de ma cassette se sont usées par la pression des coups de pédales. Je n’avais pas du tout pensé à la changer à Cairns. Je cherche un magasin de vélos à Townsville. Malheureusement, ce genre de cassette n’est plus en stock. Nous changeons la chaîne pour que je puisse rouler. En même temps, la tension des nouveaux rayons se relâche, il veut les retendre avant que je reparte.

Pour ne pas entendre le bruit infernal de la circulation, je prends la décision de rouler plutôt la nuit. Je loupe aussi quelques sites majestueux et des parcs nationaux avant Brisbane.

J’aurai roulé avec cette cassette défectueuse pendant environ 1500 kilomètres. J’ai la chance de faire le changement avant la grande ville de Brisbane. Le soir, je la traverse sans encombre pour mieux me reposer dans une petite ville.

Je viens d’effectuer 1’900 kilomètres en huit jours entre Cairns et Beaudesert qui se trouve à 70 kilomètres au sud de Brisbane ; une moyenne de 240 kilomètres par jour. Je ne termine pas mon étape à Brisbane même, vu qu’en janvier 2010, j’étais venue la visiter.

Sixième étape

Brisbane à Sydney – Pause camping

A Beaudesert, je prends enfin un vrai camping. Une bonne douche n’est pas de trop avec une lessive en prime. J’appelle Janine afin qu’elle trouve une solution pour la réparation du mât de ma tente. Je me trouve à 170 kilomètres de Ballina. La maison de distribution australienne de la marque Vaude est située au Sud de la Gold Coast. Suite à plusieurs appels, je suis chargé d’aller chercher mon nouveau mât à Ballina.

Je me rends le lendemain à l’entreprise Vaude. Ils me disent que le gérant n’est ici que demain. Une secrétaire m’invite chez elle. Je laisse donc mon compagnon de route pour une soirée.

En ne sachant pas comment expliquer mon début de parcours à la famille de mon hôte, un voisin m’aide à traduire en quelques mots mon aventure. Une soirée très courte mais intense en émotion.

Heureux d’avoir enfin un mât correct pour finir mon périple, je continue ma route en direction de Sydney. Je roule sur la A1 depuis des heures et j’en fais les frais. Le bruit des camions qui passent à côté de moi m’oblige à garder constamment des bouchons dans les oreilles. Je vais plus lentement que la précédente étape mais j’arrive à bon port.

Petits boulots – Chez mon hôte à Sydney

Je suis à Sydney, plus précisément à North Bridge. Peter, un ami, m’y accueille. Je reste trois jours chez lui. Nous nous sommes rencontrés à Casino au sud de Beaudesert. Il me fait découvrir sa ville de North Bridge. En échange, je lui propose mes services. Sans hésitations, il me donne des travaux à faire autour de sa petite maison. Un ami me donnera un coup de main. Lorraine, la femme de Peter, nous fait des milk-shakes durant nos pauses. Les températures frôlent les 30 degrés au soleil.

Entre deux travaux, je me rends en bus au centre de Sydney. L’objectif est de chercher des habits chauds pour la suite et la fin de mon tour d’Australie. Sans trop de difficulté, mes souhaits sont comblés par deux articles de marque soldés, en plus.

Je visite le centre ville de Sydney en faisant quelques photos. Nous passons une dernière soirée avec le fils de Peter avant de repartir pour ma dernière étape. Pour des raisons de trafic, je quitte Sydney et mon ami Peter à 2 heures du matin.

Septième étape

Sydney à Melbourne – Problème mécanique

A la sortie de Sydney, je me dirige sur un parc national pour trouver un peu de tranquillité après ce séjour dans la grande ville. Un petit problème mécanique survient dans la même journée. Je me mets sur le côté vers un banc publique. Une personne m’interpelle en plein milieu de mes pensées. Il essaie de dire qu’il possède un magasin de vélos un peu plus bas dans le village. Il sera de retour dans deux heures puisqu’il a rendez-vous chez le dentiste. Un quart heure plus tard, nous avons pu nous comprendre. Merci, google traduction.

En attendant le mécanicien, je prends le temps de me baigner dans l’océan Pacifique. Un spot de surfeur est bien occupé sur toute sa zone. Les familles se dorent au soleil avec une sacrée couche de crème solaire sur le dos. Je m’offre une glace et une boisson sucrée. Le temps passe si vite qu’il ne m’avertit même pas que les deux heures se sont écoulées. Je reviens sur mes pas. Pas une seconde à perdre, le mécanicien a déjà examiné le problème. Mon moyeu arrière m’a lâché vu que le roulement à billes a pris du jeu. Heureusement, il a un moyeu dans son stock de trente-deux trous. Il fait le changement devant moi et ne compte que la valeur du moyeu. Après mes remerciements, il m’encourage pour la suite. Je repars avec une roue en ordre après quatre heures de repos.

Je sors de ma A1 et change de route pour rejoindre Canberra et enfin Melbourne. Je devrai passer par les Alpes australiennes pour finir mon tour à vélo. C’est pourquoi les achats d’habits chauds étaient indispensables. Je dors une dernière fois au bord du Pacifique avant de monter les Alpes.

Alpes australiennes – Des pentes s’annoncent

Maintenant, les grandes plaines sont derrière moi. Je découvre un autre aspect de la verdure australienne. J’aime entendre le bruit des animaux nocturnes, sentir le vent glacé et l’odeur de l’herbe fraîchement coupée. Les efforts pour ne pas dormir sur le vélo ne me font plus peur. Les petits cols se font sentir dans les jours suivants.

Un soir, je m’arrête au bord d’un lac au village de Jindabyne. Pour la première fois, je dors avec tous mes habits. La nuit a été froid : -6°C. Il y a deux jours, au bord du Pacifique, les nuits ne descendaient pas en dessous des +20°C. Thredbo se dresse devant moi. Une station de ski encore ouverte car nous sommes  à la fin du printemps. Je fais ma plus petite journée avec trente-trois kilomètres.

Promenade à pied – Sur le mont Kosciuszko

Sarah Marquis m’avait indiqué une auberge de jeunesse à Thredbo. Deux jours suffiront à découvrir le plus haut sommet australien. J’organise ma sortie sur le mont Kosciuszko à plus de 2228 mètres. Je quitte l’auberge de jeunesse à 5 heures du matin afin d’être au sommet à l’aube. Une montée faite après deux heures et demie de marche. Je continue à gravir plusieurs cols malgré la neige dans mes chaussures. A mon retour, la sommelière m’interroge sur mon excursion du jour. Elle ne m’a pas cru d’avoir fait une quarantaine de kilomètres avec des simples baskets. Mon astuce a été de prendre un sac de poubelle pour descendre les pentes.

Le lendemain, une nouvelle journée à vélo m’attend de plus belle. Pour commencer, un col doit être passé avant de redescendre sur le Mount Beauty. La fin des Alpes se dessine sous les roues de mon vélo.

Je fini par descendre dans une vallée, elle indiquera la sortie de la région montagneuse.

L’avant-dernière journée, 280 kilomètres sont effectués afin de finir en beauté mon tour d’Australie. Je dors au bord de la route puisqu’il ne faut pas changer les habitudes. En regardant mon portable, au petit matin, je constate qu’aujourd’hui nous sommes bien le 30 septembre 2012. Je termine donc ce tour à vélo en six mois jour pour jour.

La dernière ligne droite

C’est la dernière journée ! Je le sens, dans l’après-midi, aux abords de ma ville de départ. Le soir tombe sur Melbourne, je finis mon périple vers 17 heures à l’aéroport international. J’arrive en solitaire comme je le fus durant presque toute l’aventure.

L’émotion l’emporte. Les gens me regardent bizarrement et se demandent si je ne suis pas fou. Je ressens de la joie dans mes pleurs. Je reste assis en regardant mon vélo sale et fatigué de tous ces kilomètres accomplis. Je fête, en secret, ma joie d’être enfin arrivé. En Australie, comme il est interdit de boire de l’alcool dans les lieux publics, je patienterai jusqu’au motel trouvé à huit kilomètres de l’aéroport.

Quatre jours sont nécessaires pour modifier la date et l’heure du prochain billet de retour. J’y aurai autant dépensé d’argent que pendant une semaine de vélo. Je me fais plaisir en visitant le centre de Melbourne et ses alentours. Je passe le temps et j’ai hâte de revoir ma famille qui m’attendra à Genève.

Le 3 octobre, je m’envole pour la Suisse et quitte l’Australie le coeur serré. Au moment du décollage, je crie « Je l’ai fait » et mes voisins sursautent.

Heureux d’être rentré sain et sauf, je retrouve ma famille et surtout mon frère Dimitri qui m’a aidé autant qu’il a pu durant toute l’aventure.